GPS Guide Pharma Santé

Publicité

Vous êtes ici

Portrait

Trois questions à Denise Silber, présidente de Basil Stratégies et fondatrice de la Conférence Doctors 2.0 & You

Lundi, 21 Mars, 2016 - 09:15

Partager

« La réalité virtuelle et le digital permettent des créations dont l’usage n’est jamais celui anticipé au moment de la conception »

Denise Silber, pionnière du web médical ne cesse de contribuer au développement des NTIC dans le monde de la santé. Pour la 6 ème année, elle préside le Congrès Doctors 2.0 & You, le rendez-vous incontournable des acteurs de la santé numérique dans le monde qui se tiendra à Paris les 26 et 27 mai 2016 à la Cité Internationale Universitaire. En avant-première, elle nous dresse un état de l’art de la santé digitale.

Denise Silber, présidente de basil Stratégies et fondatrice de la conférence Doctors 2.0 & You.

1- Quelles sont les principales innovations qui vous ont marquées dans la e-santé cette année ?

On assiste depuis 20 ans à un phénomène double tous secteurs confondus dont celui de la santé, et cela s’accélère encore. Quel phénomène ? Une catégorie nouvelle d’outils digitaux se lance et pendant que l’offre dans cette catégorie se multiplie, une autre catégorie émerge, moyennant des « scoops ». La génération d’outils d’avant n’ayant pas bénéficié d’un approfondissement suffisant, elle va finir par nous décevoir injustement, et ceci perpétue une sorte de fuite en avant. Sites web, réseaux sociaux et communautés en ligne, applications mobiles ont tous manqué d’être exploités à hauteur de leur véritable potentiel.

 

Actuellement, les applications mobiles et objets connectés continuent de foisonner, alors que les actus parlent de la réalité virtuelle, de l’intelligence artificielle et du Big Data, des organes de synthèse, l’homme augmenté…  

On démarre à peine de grandes études des bénéfices cliniques des applications mobiles et objets connectés et nous en sommes déjà à la machine « empathique » qui connaît votre état émotionnel, aux  pilules connectées, aux applications de biofeedback, aux exosquelettes qui permettent à l’homme de dépasser ses limites. Le discours d’actualité est de plus en plus tourné vers l’intelligence artificielle et l’homme augmenté. Mais attention, aujourd’hui innovation rime trop avec spectaculaire. Certaines inventions ne seront pas à notre disposition avant longtemps et ont donc peu d’impact dans la réalité.

Les anglo-saxons parlent de « scale-up » que l’on peut traduire par « une mise à l’échelle », dépassant la phase pilote. C’est ce que nous pouvons souhaiter à ces outils pleins de promesse, mais combien d’innovations trouveront une véritable vie économique ?

2- Quels seront les temps forts de votre prochain Congrès international de la santé digitale, Doctors 2.0 & You ?

Le thème de cette année est le « digital et le human touch » car toutes ces innovations doivent aller dans le sens de l’accompagnement de l’humain. D’ailleurs, le networking est un temps fort, car l’échange est très recherché et ce congrès est particulièrement « inclusif ». Doctors 2.0 & You s’adresse à toutes les parties prenantes de la santé et les participants viennent des 5 continents : professionnels et établissements, associations de patients, industries de santé et assureurs, le high-tech et les start-ups, les agences gouvernementales. Les congressistes apprécient énormément ces rencontres denses et uniques. Cela va des médecins inventeurs d’applications, à des patients devenus entrepreneurs d’objets connectés ou de communautés en ligne, à des managers en industrie qui proposent des outils pour professionnels et patients et encore à l’Etat qui doit réguler cet ensemble.

Doctors 2.0 & You  apporte et des innovations concrètes, comme par exemple les modèles de téléconsultation qui avancent en Europe, en Asie, en Afrique, les usages des réseaux sociaux en santé, diverses applications mobiles et objets connectés qui apportent des résultats cliniques en cardiologie, dans la fertilité, dans le cancer et autres, les perspectives de la stomie connectée, inventée en Angleterre et utilisée aux Etats-Unis. Des néerlandais présenteront une application qui permet de détecter la variabilité de la fréquence cardiaque et de la réduire. Sur le plan français, le Dr Fabrice Denis, oncoradiothérapeute au Mans présentera en avant-première son application mobile démontrant que l’on peut prolonger la survie du patient avec un meilleur suivi. Nous prendrons connaissance en avant-première aussi de l’étude de la transformation digitale de l’industrie en France, réalisée en partenariat avec la FNIM (Fédération de l’Information Médicale).

Mais les séances porteront aussi sur le monde de « demain ». Une patiente qui a été invitée à la Maison Blanche, à une cérémonie concernant la médecine de précision, en présence du président Obama, parlera de l’avenir de la mucoviscidose, et comment elle et ses collaborateurs ont pu y contribuer grâce aux réseaux sociaux. L’actualité de l’impression 3D sera présentée par une ingénieure espagnole. Nous assisterons à une démonstration en direct d’un avatar capable de capter grâce à une caméra l’état émotionnel d’un patient atteint d’une pathologie chronique et de dialoguer avec lui… Le Dr Laurent Alexandre nous fera part de ses dernières analyses du futur de la médecine…

L’espace d’exposition à la Cité universitaire sera également un temps fort. Notre partenaire pour la production et organisation de l’événement, Hopscotch Congrès, prépare, entre autres, la mise en place d’un village de start-ups et de démonstrations de la santé digitale.

3- Quelles sont les perspectives de la santé digitale à l’horizon 2025 ?

Nous avons beaucoup de mal à faire des prédictions. Lorsque Ray Tomlinson parvient en 1971 à envoyer un message entre deux ordinateurs distincts connectés au réseau Arpanet de l’armée américaine, qui pouvait imaginer la naissance de l’email et de son déploiement futur ? Qui savait que les professionnels de santé allaient adorer les iPads avant qu’ils n’existent ?

Des « scoops» il y en a tous les jours : l’intelligence artificielle qui permet de battre le meilleur joueur de Go, l’impression 3D d’organes, les prodiges de la réalité virtuelle … Dans les dix ans qui viennent, espérons que l’on va déjà bien exploiter ce que nous avons commencé : l’organisation par des applications et sites du rendez-vous physique entre professionnel et patient, la consultation à distance avec diagnostic, ordonnance, et suivi ; l’amélioration du diagnostic et du choix du traitement par l’intelligence artificielle, la communication permanente des données de santé du patient à un serveur qui analyse et trie ; les prothèses communicantes ; la simulation comme outil de préparation de toutes les chirurgies ; l’usage de drones en cas d’accident ; le recours accru à des organes de synthèse.

Il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de la communication entre médecin et patient. Ce n’est pas qu’une question de digital, même si le digital a permis de mieux identifier ce problème. Il faudra d’abord valoriser les compétences d’écoute et d’accompagnement, ré-envisager les profils recrutés, préparer de nouvelles formations, revoir l’organisation du contact entre professionnels et patients. Les patients ont besoin d’être accompagnés dans leur globalité… L’informatique a un rôle à jouer, mais il faudrait une forte volonté de fond de la part des humains pour que le système de santé entre dans ce sens.

 

 

Tous les portraits