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PIP : La limitation au territoire français de l’assurance de responsabilité civile du fabricant n’est pas contraire au droit de l’UE

Les prothèses mammaires défectueuses de la société française PIP n’ont pas fini de faire parler d’elles ! La limitation au territoire français de la police d’assurance de responsabilité civile souscrite par le fabricant de dispositifs médicaux défectueux n’est pas contraire au droit de l’Union européenne, a estimé l’avocat général auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE »), dans ses conclusions du 6 février 2020.

 

Une patiente allemande s’est fait poser, en Allemagne, des implants mammaires défectueux fabriqués par la société française PIP, insolvable depuis 2006. Devant les juridictions allemandes, elle réclame des dommages et intérêts à la compagnie d’assurances française, auprès de laquelle PIP avait souscrit une assurance de responsabilité civile, obligatoire en France.

 

Toutefois, le contrat d’assurance contient une clause limitant la couverture aux dommages causés en France. Ainsi, les dommages causés par les implants exportés vers un autre État membre et utilisés sur le territoire de ce dernier ne sont pas couverts par le contrat d’assurance.

 

Saisie du litige, la cour d’appel de Francfort-sur-le-Main a donc demandé à la CJUE si cette clause est compatible avec le principe européen de non-discrimination en raison de la nationalité, posé par l’article 18 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (« TFUE »). Retour sur la réponse suggérée par son avocat général :

 

1. L’absence de dispositions européennes spécifiques

 

Dans ses conclusions, l’avocat général constate que le droit dérivé de l’Union ne comporte pas de dispositions spécifiques en ce qui concerne l’assurance de responsabilité civile pour les dommages causés par des dispositifs médicaux aux utilisateurs finaux.

 

En effet, la Directive 85/374 du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux ne contient aucune disposition en matière d’assurance obligatoire.

 

La Directive 93/42 du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux impose, quant à elle, aux organismes notifiés de souscrire une assurance de responsabilité civile, mais pas aux fabricants. Enfin, le nouveau Règlement 2017/745 du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, qui entrera en application en mai prochain, ne contient, lui non plus, aucune disposition en ce sens.

 

2. La non-application au contrat d’assurance du fabricant de dispositifs médicaux des règles relatives à la libre circulation

 

Les règles relatives à la libre circulation ne réglementent pas l’utilisation ultérieure ou la consommation des biens une fois qu’ils ont été déplacés vers un autre État membre. Compte tenu de la nature particulière du contrat d’assurance, la couverture offerte par ce contrat aux biens commercialisés en France ne s’étend pas aux biens mis en circulation sur le territoire français dans un premier temps, avant d’être « exportés » vers un autre État membre dans un second temps.

 

Par conséquent, les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises ne sont pas applicables.

 

3. La non-application du principe de non-discrimination en raison de la nationalité

 

L’article 18 TFUE consacre le principe de non-discrimination en raison de la nationalité. Dans ses conclusions, l’avocat général considère que cet article ne saurait être interprété comme une disposition autonome. Cette disposition a vocation à s’appliquer uniquement si elle est combinée avec les libertés fondamentales du droit de l’Union européenne ou tout autre instrument de droit de l’Union.

 

Au cas particulier, l’avocat général considère que le fait que des biens proviennent d’un autre État membre ne constitue pas une raison suffisante qui permettrait, en combinaison avec l’article 18, d’invoquer utilement celui-ci.

 

Une interprétation large de cet article 18 TFUE pourrait en effet rendre les législations de plusieurs États membres applicables sur un même territoire, sans que des critères clairs et objectifs permettent de déterminer laquelle de ces législations doit prévaloir dans un litige donné.

 

4. La possibilité est laissée aux États membres de librement réglementer les polices d’assurance applicables aux dispositifs médicaux

 

En conclusion, il appartient donc à chaque État membre de réglementer les polices d’assurance applicables aux dispositifs médicaux utilisés sur son territoire, même lorsque ces dispositifs sont importés d’un autre État membre.

 

La France pouvait donc sans méconnaitre le droit de l’Union choisir d’instaurer un niveau de protection plus élevé pour les patients et les utilisateurs de dispositifs médicaux situés sur son territoire au moyen de polices d’assurance obligatoires applicables sur son seul territoire.

 

La réponse à la question posée par la cour de renvoi est maintenant en délibéré. Nous saurons dans quelques semaines si, comme cela est généralement le cas, la CJUE s’approprie la solution que lui suggère son avocat général.

 

A l’heure de l’internationalisation des marchés, la protection des patients passe donc par un marché européen encore plus intégré, dans lequel chaque fabricant serait titulaire d’une police d’assurance responsabilité civile qui couvrirait l’ensemble du territoire sur lequel ses produits sont commercialisés. Utopie ?

 

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