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Brexit casse-tête pour le NHS

Jeudi, 13 Février, 2020 - 10:00

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En claquant la porte de l’Union européenne le 31 janvier dernier, les Anglais ont-ils anticipé le départ programmé des professionnels de santé européens tentés ou désormais invités à quitter le NHS ? Rien n’est moins sûr.

La fuite des compétences médicales et de milliers de soignants à brève échéance fait craindre un effondrement de la qualité des soins au Royaume-Uni. Le « Brexodus » des professionnels de santé s’accélère.

Illustration Brexit santéIls sont Italiens, Français, Espagnols, Portugais, mais aussi Polonais, Indiens, Philippins et Australiens. Tous sont venus exercer leur métier de soignants au Royaume-Uni qui a redoublé d’efforts pour les recruter depuis ces vingt dernières années.

Joan Pons Laplana, infirmier catalan de 44 ans fût l’un d’entre eux, voir même le meilleur d’entre eux. Adoubé par le NHS, Joan Pons Laplana s’est vu décerner le prix du meilleur soignant en 2018 pour ses initiatives remarquées dans la transformation numérique de son métier. Débarquant en l’an 2000 avec 50 livres en poche, Joan Pons Laplana y a réalisé son rêve, jusqu’au Brexit ! « Nous commençons à nous sentir comme des citoyens de seconde zone, uniquement à cause de notre accent, » déplorait Joan Pons Laplana lors de la manifestation pour un nouveau vote populaire qui avait réuni plus d’un million de personnes à Trafalgar Square l’an dernier. Il refuse d’emblée de quitter son nouveau pays, mais parmi les Espagnols qui sont la deuxième nationalité européenne la plus représentée parmi les infirmiers après les Irlandais, la question se pose désormais. « Auparavant, les Espagnols travaillant au Royaume-Uni validaient automatiquement leurs acquis professionnels de retour en Espagne. Cela va sans doute devenir rapidement bien plus compliqué, » explique à son tour Manuel Gala qui veille sans relâche sur ses patients en service de soins intensifs dans un hôpital d’Oxford.

Pas de quartier pour les professionnels de santé 

Le Brexit maintes fois repoussé a bel et bien eu lieu et les conséquences sur les ressources humaines au sein des hôpitaux publics ne se sont pas fait attendre. À l’heure des aménagements avec l’Union européenne, pas de quartier pour les professionnels de santé ! 2020 se transforme en ultimatum pour ces infirmiers, aides-soignants, médecins, dentistes ou bien encore kinésithérapeutes issus de l’Union européenne qui travaillent pour le National Health Service. Le Dr Chaand Nagpaul qui dirige la prestigieuse British Medical Association sort désormais de sa réserve et redoute que « le Brexit empêche les médecins de donner à leurs patients les soins dont ils ont besoin. »

L’hémorragie des compétences a démarré

Aujourd’hui 5,6 % des soignants soit plus de 63 000 professionnels de santé sont susceptibles de partir et le Brexit devient une épine dans le pied du service public de santé britannique. Près de 10 000 d’entre eux ont déjà quitté le NHS l’an dernier et de premiers services hospitaliers mettent la clé sous la porte, faute de personnels pour les faire fonctionner. Ceci concerne y compris le très prestigieux St Georges Hospital, l’un des plus grands centres hospitaliers du Royaume-Uni fondé à Londres en 1733 dans le quartier de Tooting. La situation inquiète aujourd’hui le gouvernement qui envisage de proposer rapidement des contrats de trois ans à plus de 5000 infirmières jamaïcaines. Une gestion de crise qui ne devrait pas endiguer l’hémorragie des talents et des compétences. Depuis le 31 janvier dernier, le mouvement s’accélère. Il est désormais question de « Brexodus » des professionnels de santé européens et le NHS alerte sur la pénurie déjà visible.

Plus de 35 000 postes d’infirmier sont déjà vacants et l’inquiétude monte encore d’un cran avec le départ programmé de 10 % des médecins hospitaliers. Pour jouer l’apaisement, le Secrétaire d’État à la Santé et à la Protection sociale Matthew Hancock recommande aux médecins de ne pas parler de pénurie de médicaments avec leurs patients. La qualité des soins outre-Manche pourrait pourtant aussi rapidement en dépendre.

Laurence Mauduit

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