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Pour une recherche en genre et en nombre

Mardi, 7 Mai, 2024 - 09:45

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L’égalité est-elle de ce monde ? Sans doute pas entre les hommes et les femmes face aux maladies. Les chercheurs ont longtemps fermé les yeux au moment de mettre au point les solutions pour y remédier, alors que des différences hormonales et enzymatiques montrent des écarts d’efficacité et d’effets secondaires parfois impressionnants. L’inclusion progressive des femmes dans les essais le démontre depuis 30 ans. Longtemps négligée, l’influence du sexe et du genre sur la santé commence à être considérée. Au-delà de l’inclusion, il s’agit peut-être de multiplier désormais des analyses spécifiques.

Les inclusions en recherche clinique ont longtemps laissé la santé des femmes de côté. Les Instituts américains de la santé (NIH) n’ont exigé l’inclusion des femmes dans les essais cliniques qu’à partir de 1993, avant d’ériger la prise en compte du sexe comme variable biologique dans les essais précliniques, comme condition de financement à partir de 2016. Cette même année, de grandes revues scientifiques ont pris une résolution déterminante : ne publier que des études prouvant que cet effort a bien été réalisé dans la composition des cohortes. Et il a fallu attendre 2002 pour que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) prenne l’initiative d’une politique en matière de genre et une approche médicale soucieuse de l’équité entre les sexes. Une prise en compte a finalement été exigée par le règlement du Parlement européen et du Conseil de l’Europe en 2014.

 

Rattrapage rapide

Un combat récent totalement incompréhensible, puisque toutes les principales maladies se manifestent différemment chez les femmes et les hommes. Des différences, parfois énormes ou invisibles, qui reposent sur des mécanismes moléculaires loin d’avoir encore livré tous leurs secrets. L’inclusion des femmes a donc ensuite rapidement décollé atteignant même globalement 58 % à partir de 2018 selon le registre international tenu par l’OMS. Dans ces conditions, la sous-représentation des femmes dans les essais ne semble donc plus d’actualité, à l’exception de quelques pathologies comme l’insuffisance cardiaque, certains cancers ou encore la douleur et le VIH.

Pourquoi cette mise à l’écart ?

D’abord parce que le corps médical a longtemps été persuadé que les changements hormonaux mensuels chez les femmes, les souris femelles et les rates modifiaient largement leur biologie et leur comportement, au risque de biaiser les résultats. Une recherche de stabilité sans queue ni tête, selon un article publié en 2023 (1), qui montre que non seulement la littérature ne rapporte aucun changement dans le comportement des souris femelles, mais qu’elles seraient au contraire plus « stables » que les mâles, chez qui la variabilité individuelle serait plus importante.

Mieux accepter, mieux comprendre, pour mieux soigner

Il semble, ces dernières années, que l’épicentre de l’incompréhension de cette inégalité en santé entre les hommes et les femmes se soit clairement déplacé. Au moment où les modes de vie évoluent, certaines vies se transforment. Aujourd’hui, les NIH déplorent, par exemple, l’omission des populations transgenres et transsexuées à toutes les étapes du processus de recherche. Depuis 2016, les recherches financées doivent désormais systématiquement aborder le facteur de santé, de maladie selon le sexe, mais aussi « considérer le genre comme une variable sociale et structurelle », influençant la santé. L’idée que certaines maladies sont féminines ou masculines entraîne des retards de diagnostic et de prise en charge encore trop fréquents. C’est, par exemple, le cas des troubles du spectre autistique, sous-diagnostiqué chez les filles ou, à l’inverse, l’ostéoporose quasiment ignorée chez les garçons.

Considérons donc que la recherche avance, la société aussi : gageons que leurs chemins se rejoignent pour le meilleur de l’humanité.

1. Kaluve AM, Le JT, Graham BM. Female rodents are not more variable than male rodents: a meta-analysis of preclinical studies of fear and anxiety. Neurosci Biobehav Rev. 2022;143:104962.

 

Laurence Mauduit

Crédit photo : Adobe Firefly (image générée par IA)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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