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PLFSS 2023 : L’agrément comme outil de réglementation des sociétés de téléconsultation médicale

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (« PLFSS 2023 »), présenté le 26 septembre 2022 en Conseil des Ministres, vise à mettre en place un cadre juridique structuré pour les sociétés commerciales proposant une offre de téléconsultation au moyen d’un agrément les autorisant à facturer à l’Assurance Maladie les soins réalisés à distance par les médecins qu’elles salarient.

Exacerbé par la crise sanitaire, le déploiement du numérique en santé a notamment conduit à ce que de nombreuses sociétés de téléconsultation se développent. Or, ces sociétés ne disposent pas de structure juridique pérenne leur permettant de facturer des prestations à l’Assurance Maladie. De surcroît, au contraire des téléconsultations ‘classiques’ réalisées par des médecins, l’activité de ces sociétés commerciales n’est pas réglementée ce qui est susceptible de conduire à des dérives, voire d’affecter la qualité des prestations de soins à distance qu’elles proposent.

Aussi, certains acteurs se sont saisis de cette problématique et ont élaboré des recommandations à destination des médecins qui exercent dans ces structures. L’objectif de la mesure proposée par le PLFSS 2023 est donc multiple. Il consiste à encadrer la place des sociétés de téléconsultation au sein de l’offre de soins existante afin, d’une part, de répondre aux besoins des patients et d’améliorer la qualité des prestations qu’elles proposent et, d’autre part, de garantir la cohérence de cet exercice avec les autres modalités de prise en charge existantes.  

 

 

Retour sur les conditions conventionnelles de prise en charge de la téléconsultation

La téléconsultation - définie comme la consultation à distance réalisée entre un médecin, exerçant une activité libérale conventionnée ou dans une structure conventionnée, et un patient, est prise en charge par l’Assurance Maladie sous réserve du respect de conditions strictes, dernièrement modifiées par l’avenant n°9 à la Convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie (la « Convention médicale »). À noter que l’interprétation de ces conditions a été précisée par les partenaires conventionnels dans une Charte des bonnes pratiques de la téléconsultation (la « Charte ») publiée par l’Assurance Maladie.

 

Pour être prise en charge, si la primo-consultation ne constitue plus un motif d’exclusion, la téléconsultation doit (i) s’inscrire dans le respect du parcours de soins coordonnés (i.e., orientation par le médecin traitant si celui-ci n’est pas le téléconsultant), (ii) se conformer au principe de territorialité et (iii) être réalisée en alternance avec des consultations en présentiel. Afin de répondre aux besoins en soins des patients sur le territoire, ces trois conditions cumulatives sont toutefois assorties d’exceptions - telle que la possibilité de déroger au principe de territorialité lorsque les patients résidant dans des zones d’intervention prioritaire (i.e., zone caractérisée par une offre de soins insuffisante) n’ont pas de médecin traitant ou en l’absence d’organisation territoriale coordonnée de télémédecine. À ce titre, la Charte indique que, dans tous les cas, les sociétés de téléconsultation sont tenues d’orienter prioritairement les patients vers des professionnels se situant à proximité sur le territoire afin que ces derniers soient, le cas échéant, en mesure de recevoir les patients dans des délais adaptés.

Aussi, il ressort du PLFSS 2023 que c’est dans le cadre des conditions susmentionnées que devront se positionner les sociétés de téléconsultation agréées, autrement dit en subsidiarité de l’offre de soins existante.

 

 

L’agrément des sociétés de téléconsultation ouvrant droit à la facturation à l’Assurance Maladie

L’article 28 du PLFSS 2023 prévoit la mise en place d’un agrément, délivré par les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé, qui permettra aux sociétés de téléconsultation agréées de facturer à l’Assurance Maladie les actes de téléconsultation réalisés par les médecins qu’elles salarient. L’obtention de cet agrément sera subordonnée au respect de diverses conditions, lesquelles seront appréciées tout au long de la durée de l’agrément dans le cadre d’une procédure impliquant l’ensemble des parties prenantes telles que la Haute Autorité de Santé (« HAS »), la Caisse Nationale d’Assurance Maladie ou encore les conseils départementaux de l’Ordre des médecins. À ce titre, le PLFSS 2023 étend les missions de la HAS pour y inclure l’élaboration d’un référentiel de bonnes pratiques professionnelles relatives à la qualité de la téléconsultation applicable aux sociétés de téléconsultation ainsi que l’élaboration de méthodes d’évaluation desdites sociétés.

 

Cet agrément ne sera réservé qu’aux seules sociétés exerçant sous la forme d’une société commerciale régie par le Code de commerce et ayant pour objet, à titre exclusif ou non, de proposer une offre médicale de téléconsultation. Sont ainsi exclues du champ de l’agrément les sociétés civiles professionnelles et les sociétés d’exercice libéral (dont les médecins sont déjà autorisés à facturer des actes de téléconsultation à l’Assurance Maladie). De plus, ces sociétés ne devront pas être contrôlées par une personne physique ou morale exerçant une activité de fournisseur, de distributeur ou de fabricant de médicaments, de dispositifs médicaux ou de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro - à l’exception des dispositifs permettant la réalisation d’un acte de téléconsultation (cette exception allant notamment à l’encontre du principe d’indépendance des médecins, elle pourrait à notre sens être sujette à discussion voire être supprimée du texte de loi). Enfin, leurs outils et services numériques devront être conformes aux règles relatives à la protection des données personnelles ainsi qu’aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité applicables.

 

Si les modalités d’octroi et la durée de l’agrément devront être fixées par décret, il est notamment prévu que son maintien sera subordonné au respect des conditions susmentionnées, mais également au respect du référentiel établi par la HAS ainsi qu’aux règles de prise en charge par l’Assurance Maladie fixées par la Convention médicale, auquel cas l’agrément pourra être suspendu, voire retiré. 

Par ailleurs, il est également prévu deux obligations à la charge des sociétés de téléconsultation agréées, lesquelles devront transmettre au conseil département de l’Ordre des médecins compétent et aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé un programme d’action visant à garantir le respect de leurs obligations et assorti d’indicateurs de suivi, ainsi qu’un rapport sur leurs activités. De plus, si plusieurs médecins exercent au sein d’une société agréée, celle-ci devra les réunir en un comité médical qui devra notamment contribuer à l’élaboration de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins de la société.

Enfin, en plus de constituer, pour les pouvoirs publics, un outil de réglementation et de contrôle de l’activité de téléconsultation de ces sociétés, cet agrément, dans la mesure où il sera public, aura vocation à servir de gage de qualité à l’égard des patients. Toutefois, ce dispositif de l’article 28 du PLFSS 2023 est susceptible d’évoluer au fil des discussions parlementaires – l’adoption définitive de la loi étant attendue pour la fin de l’année 2022.

 

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